Avis de neurologues-chercheurs sur ces médicaments
Avec l’existence sur le marché de 4 médicaments traitant les symptômes de la maladie d’Alzheimer, de nombreuses polémiques sont apparues au fil des ans remettant en cause leur efficacité et pointant du doigt leur prétendue dangerosité.
Des neurologues-chercheurs de Lyon, des CMRR (Centre Mémoire de Ressources et de Recherche) de Lille et Paris ont décidé de se tourner vers la Fondation Vaincre Alzheimer pour faire entendre leur voix et celles de leurs confrères en contact chaque jour avec des patients atteints de la maladie.
Fondation Vaincre Alzheimer : « Les traitements dits anti-Alzheimer sont-ils efficaces ? »
Dr Virginie Desestret, Hôpital Pierre Wertheimer, Lyon : « Cela dépend de ce que l’on entend par le terme « efficace ». Si l’on parle de guérir la maladie, non. Si l’on parle d’un effet sur les symptômes des patients, alors oui. Ces traitements ne sont pas prescrits à titre compassionnel, pour éviter le désespoir du patient : les patients peuvent bénéficier d’une amélioration ou au moins d’une stabilisation de leur déficit. Sachant que ces médicaments ont d’éventuels effets secondaires, nous ne prendrions pas le risque de les prescrire sans être certains qu’il y a un bénéfice attendu, même modeste. »
Dr Thibaud Lebouvier, CMRR de Lille : « Oui, les traitements symptomatiques de la maladie d’Alzheimer sont efficaces. L’immense majorité des études le prouve, qu’elles soient industrielles ou académiques dans leur mode de fonctionnement, qu’elles soient anciennes ou très récentes. En revanche, est-ce que leur efficacité est remarquable ? Non. Elle est au contraire fort modeste mais ces traitements retardent l’entrée en institution et la perte d’autonomie. Ils limitent également le recours aux traitements sédatifs. Tous ces paramètres ont une réelle répercussion sur la vie des patients et de leur famille. »
L’équipe du CMRR de Paris Nord Ile-de-France (Dr Claire Paquet, Dr Pascal Millet, Dr Julien Dumurgier, Pr Jacques Hugon) : « Oui, ces traitements ont prouvé leur efficacité. Ce sont actuellement les seuls traitements approuvés par les autorités de santé. Cette efficacité a été confirmée par une étude académique DOMINO qui n’impliquait pas de laboratoire pharmaceutique. Cette étude a montré que les patients traités évoluaient moins rapidement que les patients non traités et qu’il y avait un intérêt médico-économique à ces traitements. Par ailleurs, il faut bien comprendre que l’objectif de ces traitements n’est pas de guérir la maladie mais de traiter les symptômes. Dans la mesure où on ne peut pas éradiquer la maladie, il persiste une évolution des symptômes et c’est la raison pour laquelle certaines personnes considèrent ces médicaments comme peu utiles. Toutefois, comme ils améliorent les communications entre les neurones, ils ont un effet sur les symptômes, même si l’efficacité est variable selon les patients. »
Dr Catherine Thomas-Antérion, neurologue, conseiller scientifique de l’Observatoire B2V des mémoires : « L’efficacité des traitements dits anti-Alzheimer a été validée par différentes études, qu’ils s’agissent d’essais thérapeutiques ou d’études académiques. Chaque médicament s’est ainsi vu délivrer une autorisation de mise sur le marché très spécifique précisant notamment les stades de la maladie auxquels ils doivent être prescrits et leur suivi dans le temps. Ceci ne doit toutefois pas faire oublier que ces traitements conviennent uniquement à des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et non à des personnes souffrant d’une autre maladie neurodégénérative. Un diagnostic soigneux doit donc être posé avant de prescrire un quelconque traitement. Par ailleurs, ces médicaments agissant sur les symptômes cognitifs ne doivent pas faire oublier l’usage d’autres traitements symptomatiques de l’anxiété, de l’insomnie etc… Bien entendu, ils ne s’opposent en aucun cas aux traitements non médicamenteux. »
Fondation Vaincre Alzheimer : « Ces traitements sont-ils dangereux pour la santé ? »
Dr Virginie Desestret, Lyon : « Ces traitements ont des effets secondaires, mais ceci est vrai pour toutes les molécules actives. Il existe des complications, certaines peuvent être sévères, c’est la raison pour laquelle nous prenons des précautions de prescription. »
Dr Thibaud Lebouvier, Lille : « Comme tous les traitements actifs, les traitements symptomatiques de la maladie d’Alzheimer peuvent avoir des effets secondaires. Les effets les plus sérieux sont cardiovasculaires : ils sont susceptibles de ralentir la fréquence cardiaque, de baisser la pression artérielle et de causer des malaises. Mais ces effets secondaires peuvent être anticipés et prévenus. C’est facile à faire et c’est notre travail de tous les jours que de le faire, avec le médecin traitant. Si le rapport bénéfice-risque est défavorable, le traitement est simplement interrompu ou évité. »
L’équipe du CMRR Paris Nord Ile-de-France : « Tous les traitements prescrits en médecine ont des effets secondaires potentiels, parfois dangereux. Quel que soit le traitement, il est indispensable de vérifier l’absence de contre-indications et d’interaction avec les autres traitements avant de le prescrire. »
Dr Catherine Thomas-Antérion, neurologue, conseiller scientifique de l’Observatoire B2V des mémoires : « Ces traitements font l’objet de contre-indications et nécessitent, chez certains sujets, des précautions particulières de prescription. Comme pour tous les médicaments, il est indispensable d’être attentif et de suivre leur tolérance par le patient. Il est également nécessaire de s’assurer de la présence d’un tiers familial ou professionnel lors de la prise du traitement pour anticiper un danger dû à un oubli ou à un surdosage.
Il ne faut pas oublier que des traitements dits « naturels » entrainent souvent des effets secondaires dont on se méfie moins, car ces produits -accessibles sur internet- sont mal référencés et ne subissent pas de contrôle qualité. »
Fondation Vaincre Alzheimer : « Sans ces traitements symptomatiques, quelles alternatives nous restent-ils ? »
Dr Virginie Desestret, Lyon : « Il existe des prises en charge dites non médicamenteuses qui sont efficaces. C’est le cas de la remédiation, de l’accompagnement du patient, de toute la prise en charge de stimulation du patient. Mais ce sont des compléments incontournables aux traitements médicamenteux, il ne s’agit pas d’alternatives. »
Dr Thibaud Lebouvier, Lille : « Il n’existe à l’heure actuelle aucun autre traitement médicamenteux validé par les autorités de santé. Pour autant, la prise en charge de la maladie d’Alzheimer ne se réduit pas aux médicaments. Il ne s’agit pas ici à proprement parler d’alternatives thérapeutiques. Les thérapies non médicamenteuses et la prise en charge médico-sociale sont un aspect essentiel de la prise en charge. La stimulation cognitive, surtout en début de maladie, est souvent investie par les patients et leur donne des clefs pour s’adapter à leur handicap mnésique ; la participation à des activités avec des auxiliaires de vie, l’accueil de jour, toutes ces mesures d’accompagnement mises en place par le dernier Plan Alzheimer ont une place capitale pour le bien-être du patient et de sa famille. »
L’équipe du CMRR Paris Nord Ile-de-France : « Actuellement, si nous ne prescrivons pas ces traitements, nous n’avons pas d’autres alternatives médicamenteuses. Ce sont les seuls traitements médicamenteux ayant prouvé leur efficacité et validés par les autorités. »
Dr Catherine Thomas-Antérion, neurologue, conseiller scientifique de l’Observatoire B2V des mémoires : « Le soin comprend également des traitements non médicamenteux mais il ne s’agit pas d’une alternative mais plutôt d’un traitement complémentaire.
Leur efficacité est difficile à évaluer, bien que la musicothérapie, les thérapies portant sur l’environnement ou encore la zoothérapie semblent avoir un effet significatif positif sur le comportement et la cognition. »
Les cibles des traitements de la maladie d’Alzheimer
Le Dr Claire Paquet, neurologue chercheur au CMRR Paris Nord Ile-de-France, explique le rôle et le mécanisme de chacun des 4 médicaments permettant de produire un effet sur les symptômes cognitifs de la maladie : « La maladie d’Alzheimer se caractérise par l’accumulation de la protéine Aß et de la protéine Tau anormale dans le cerveau. Cette accumulation de protéines toxiques entraine une perte des neurones. Or, ces derniers produisent l’acétylcholine, un neurotransmetteur de la mémoire. Les neurones étant affectés, un déficit en acétylcholine survient alors. Les traitements actuels prescrits dans la maladie d’Alzheimer tels que le Donépézil (ARICEPT), la Rivastigmine (EXELON) et la Galantamine (REMINYL) ont ainsi pour but d’augmenter la disponibilité de l’acétylcholine et de favoriser la communication entre les neurones. Par ailleurs, dans plusieurs maladies neurodégénératives, il existe une augmentation du glutamate qui est délétère pour les neurones. La Memantine (EBIXA) a pour but de diminuer cette toxicité. »
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